Chapitre 32 : L’attaque du manoir

[Pdv E] Scardred surgit de nulle part, son sourire carnassier élargi et ses yeux plus flamboyants que jamais. C’était suffisant pour comprendre que l’attaque avait commencé.
- Trois des nôtres à terre, ils ont commencé à rentrer par la faille, comme prévu.
- ENFIN ! rugit Mordaelan en bondissant de joie à la nouvelle.
- Ymeron est dans la masse je suppose, dis-je.
- Ouais, c’est facile de le repérer vu la description que tu en as fait. Joli travail pour le visage au fait. Tu devrais te dépêcher de l’amener jusqu’à Zendaren, ils sont vraiment tout un beau troupeau d’imbéciles... ce qui n’est pas plus mal, les crétins ont une viande bonne à mâcher.
J’acquiesçai en essayant de ne pas garder en mémoire sa dernière remarque, et le laissai repartir avec d’autres qui allaient se joindre au combat. Ils devaient faire acte de résistance contre les envahisseurs, mais ne pas les repousser cependant. Et il ne fallait surtout pas rester dans le passage d’Ymeron; la description qu’Ayna avait fait du nouveau personnage était déjà une dissuasion efficace à chercher à l’affronter en-dehors du piège. Il me fallait cependant le forcer à me suivre, pour qu’il tombe dedans.
Néanmoins, s’il devait foncer dans le tas pour me rattraper, il fallait au moins que ça aie l’air crédible. On lui avait rapporté que j’avais survécu de justesse à la supposée explosion, ce n’était pas pour me retrouver dans une armure entièrement intacte et aucun signe que j’avais été exposé à l’attaque. Genshan et Mordaelan étaient prêts pour ce dernier subterfuge, le tauren résigné et le réprouvé qui n’avait pas l’air de partager ce sentiment, comme d’habitude. Je pris appui sur ma grande épée, attendant leurs coups. Un marteau vint frapper mes côtes, puis une boule de feu finit par me faire lâcher prise.
- Mordaelan ! grondai-je. Il faut faire semblant que j’aie été blessé, pas me blesser pour de vrai !
- Oups, désolé. Au moins t’as vachement l’air convainquant maintenant.
- Encore heureux. Allons-y, et ne vous faîtes surtout pas tuer.
- C’est..., commença Mordaelan.
- Déjà fait, rit Genshan. Tu commences à tomber à court de répliques mon ami.
Le mort-vivant essaya de le frapper pour avoir ruiné son effet, ce qui rendit le tauren encore plus hilare alors que je retenais le démoniste par le col de sa robe. S’ils arrivaient à garder un certain sens de l’humour en dépit la gravité de la situation, c’était quelque part une bonne chose. En chemin, je tentai de rentrer à nouveau en contact avec Claria.
“J’ai compris. Je t’aiderai, comme toujours.”
Visiblement aucune amélioration de son état depuis le sort qu’Ayna avait accidentellement lancé sur elle. Elle était complètement résignée et affligée et cela s’entendait dans sa voix. Je comprenais qu’il allait falloir nous séparer très prochainement, elle ne pouvait pas rester ainsi plus longtemps encore.
Du côté de la faille, c’était le chaos total. Je pouvais déjà voir des camarades à terre, et espérai qu’ils faisaient le mort comme recommandé. Il fallait donner aux ennemis un faux sentiment de sécurité, et les laisser avancer jusqu’au bon endroit. Très vite, je repérai ma cible.
Impossible de manquer un monstre de destruction pareil, comme il utilisait sa nouvelle épée pour attaquer au corps-à-corps, combiné à une magie de nécromancie plus puissante que la moyenne. Depuis notre dernier face à face, je pouvais noter un changement majeur chez lui. Il avait gagné en pouvoir et son apparence changeait, devenant de plus en plus monstrueuse et éloignée de celle d’un elfe de sang. Il combattait comme une bête dangereuse, drainant la vie de ceux qui s’approchaient trop, les découpant. Hors de question de lui laisser le temps d’arriver sur l’un de mes compagnons.
Ymeron se trouva vite une nouvelle cible avec Noscera qui s’occupait de rediriger les autres vers l’arrière, comme le terrain était perdu. La worgen lui fit face avec bravoure, mais je savais aussi bien qu’elle qu’elle n’avait aucune chance. Une chance pour elle que je ne sois pas rancunier au point de la laisser mourir aux mains de l’elfe corrompu ; cela aurait en plus été le meilleur moyen de briser complètement Claria, ce que je voulais éviter. Alors qu’ils commençaient à croiser le fer et qu’elle faisait de son mieux pour échapper aux attaques nécromantiques, je jetai un trait de givre perçant sur Ymeron depuis ma position.
La distraction fit son effet, comme il détourna la tête, se figeant alors qu’il m’apercevait. Noscera ne demanda pas son reste et se hâta de s’échapper en aidant un allié blessé. Ymeron avait l’air très convaincu par le mensonge que Darkena lui avait raconté, comme sa figure ricanante montrait sa satisfaction d’avoir réussi son plan... J’avais tellement hâte de voir ce sourire s’effondrer quand il se rendrait compte qu’il était tombé dans notre piège.
- Je vois que tu as bien reçu mon cadeau, s’exclama-t-il moqueusement. Comment va ta petite protégée, bâtard ?
- Elle t’attend dans l’enfer où je vais t’expédier, sale ordure d’elfe ! grondai-je.
Il éclata de rire, certainement pas convaincu vu mon apparence de blessé. Rapidement, il se mit à courir dans ma direction, décidé à en finir avec moi tant qu’il avait cette impression d’être en position de puissance. Tout ce dont j’avais besoin. L’elfe cinglé à ma poursuite, je me mis à courir à travers les couloirs du manoir vers la grande salle où Zendaren et Sanglune attendaient, espérant que Melrenna parviendrait à y arriver à temps pour jouer son rôle.

[Pdv M] De là où j’étais, j’entendais les échos de la bataille. Ne rien faire du tout et patienter me coûtait, mes muscles raidis par l’appréhension.
Tylna était passée plus tôt dans la salle vérifier que tout allait bien. Moi qui la connaissais, je voyais qu’elle se méfiait un peu d’Ayna, mais son enthousiasme pour la préparation avait suffi à rendre le travail de groupe possible. Zul’tjar était encore dans le coin, par contre, tandis que la Druidesse avait filé aider sur place, consciente que ses talents de soigneuse ne seraient pas de trop.
Le son de lames s’entrechoquant, de vociférations et d’explosions continuait. Je jetai un œil aux mâchoires d’argent camouflées disposées au sol par Darkena et voulus tourner la tête pour voir Zendaren Purgemort ; mais avant de pouvoir le faire, un fracas retentit sur ma droite. La porte s’ouvrit à la volée, et Elvyr entra, sautant sur le côté pour éviter une attaque runique d’une puissance démentielle.
Je déglutis en voyant Ymeron. Il n’avait plus rien à voir avec l’elfe de sang que nous avions capturé la première fois. Derrière lui, une humaine que je reconnus comme une de ses subordonnées arriva, lame au poing.
Elvyr reculait, se retournant pour faire face à Ymeron. Celui-ci chargea aussitôt, son arme enrobée d’une aura bleue qui fila droit sur mon frère d’armes. Elvyr n’avait aucune chance d’esquiver l’attaque.
Elle fut stoppée à quelques centimètres de lui par un puissant bouclier lumineux.
Ymeron fronça les sourcils, abattit sa lame sur la protection de Lumière, qui tint bon ; Zendaren, qui était resté dans les ombres, s’avança. Maintenir la protection ne devait pas être simple, et Elvyr s’échappa pour que le mort-vivant puisse relâcher son effort. Derrière, le bruit de la bataille se précisa.
La lieutenante d’Ymeron ne se focalisa pas sur Zendaren ; elle bloqua le chemin d’Elvyr et son arme frappa la sienne, dégainée à temps. Je ne pouvais pas lui venir en aide sous peine de faire sauter le plan, et soupirai de soulagement quand Sanglune apparut derrière Purgemort pour foncer sur l’humaine. Les Chevaliers de la Mort parèrent ses attaques, puis la worgen passa à l’offensive en cherchant à déstabiliser ses appuis ; Elvyr rajouta une attaque de givre, qui la fit vaciller. Une agression simultanée sur son flanc suffit à faire crier l’humaine, qui appela son maître à l’aide. Comprenant qu’elle ne s’en tirerait pas, je pus me reconcentrer sur Ymeron. Les échos des cris et des armes derrière la salle se précisèrent encore. J’espérais que les nôtres allaient bien, sans pouvoir plus m’attarder sur cette pensée. J’avais besoin que l’elfe perde le contrôle de son pouvoir, et quand il marcha sur l’un des pièges de la traqueuse, cela eut pour effet essentiel de décupler sa rage. Zendaren tenait admirablement bien, mais autant de puissance brute à gérer était loin d’être évident.
La porte explosa soudain. Entrèrent deux autres cultistes, suivis de près par Reg’jin, Luntra et Lædera. Celle-ci avait une longue entaille sur un bras, qu’une vague bienfaisante guérit alors qu’elle invoquait une boule de feu sombre. L’humain qui courait vers Sanglune se prit une hache dans le torse et s’effondra ; un démon l’acheva. L’autre cultiste, une orque qui maniait des énergies que je ne reconnus pas, esquiva la seconde hache de Reg’jin de justesse ; Lædera dut se jeter de côté pour ne pas être touchée par un maléfice, et ce fut Elvyr qui enfonça sa lame dans le corps de l’orque pour la décourager de recommencer. Mes camarades rejoignirent rapidement Zendaren et s’employèrent à attaquer l’elfe, qui devint fou de rage en voyant ces tentatives.
Il évita un coup sans aucun problème, puis tournoya pour toucher Luntra. Malgré les efforts de mes amis, il y arriva ; une grande faille s’ouvrit sur sa tunique et le sang de l’orque éclaboussa le sol. Elle se fit projeter très violemment contre un mur, et ne bougea plus.
-Alors ? cria Ymeron en parvenant à éviter un sort sans trop de mal. Comment vas-tu t’en sortir, bâtard ?
Il éclata de rire ; Elvyr semblait essoufflé, recula et s’adossa au mur. D’un geste rapide, je m’attachai les cheveux avec une cordelette fine. Ça suffirait. Je raffermis ma prise sur mes appuis et escaladai les poutres du plafond jusqu’à être pile au-dessus de la scène. Reg’jin et Sanglune se rapprochèrent du demi-elfe. N’importe quel lanceur de sort aurait compris qu’une seule attaque puissante pouvait toucher tout ce beau monde d’un coup. Ymeron, impulsif, n’hésita pas ; une quantité dangereuse d’énergie se massa entre ses mains, et je me laissai tomber à temps juste devant lui. Il me fixa, abasourdi, mais son sortilège engloba quand même son arme, qui se rua droit sur moi.
Je jetai à terre la bombe. Elle explosa brutalement et créa un grand nuage de fumée ; Ymeron était pile en-dehors. J’avais du mal à respirer, la préparation n’étant pas du tout faite pour nous protéger cette fois. Je sentis la fumée absorber le choc, puis les étincelles vertes autour de nous se masser. Un son assourdissant retentit, et un courant de magie sombre fut projeté sur Ymeron. Comme promis, son attaque lui avait été renvoyée et amplifiée. Un hurlement de rage et de douleur se fit entendre, tandis que la violence du choc me renversait à terre.

[Pdv E] L’apparition de Melrenna laissait un effet de surprise conséquent chez la plupart des membres du Culte, qui s’étaient imaginé qu’elle était morte. Nous voir également tous en meilleure forme qu’annoncé par Darkena devait leur infliger un sacré coup au moral, ainsi les choses n’allaient pas être aussi faciles qu’ils se l’étaient imaginé en suivant Ymeron jusqu’ici. Et maintenant, voilà que celui-ci s’était fait renverser à terre par sa propre attaque sous les yeux de ses hommes. La lieutenante tatouée affichait un air choqué, et Lædera profita  de ce qu’elle avait baissé sa garde pour lui lancer un trait du chaos surpuissant afin de la projeter contre le mur.
Alors qu’un épais nuage de fumée s’était formé dans la salle à cause de l’explosion, nous guettions avec attention tout signe indiquant à quel point est-ce que l’elfe de sang avait été touché, tout en repoussant les cultistes qui continuaient à essayer d’attaquer. Je me dépêchai d’aller récupérer Melrenna et de la tirer vers nous pour qu’elle soit en sécurité. Elle était encore un peu désorientée mais pouvait saisir mon bras et s’appuyer sur moi. En reculant, nous revînmes vers les autres. Darkena lançait un commentaire moqueur aux sectateurs sur la survie imprévue de Melrenna, mais j’entendis quelqu’un d’autre par-dessus.
- Elvyr, il n’est pas encore vaincu ! criait Ayna qui observait tout depuis un balcon. Dégroupez-vous tout de suite !
La demi-elfe nous permit d’apercevoir à temps le danger surgir de la fumée: une sorte de long bras de chair sanguinolente, qui fonçait droit sur notre groupe. Je me jetai au sol avec Melrenna afin que nous ne soyons pas propulsés, ou pire, transpercés, par cette chose. Cependant, derrière nous des cris ne me rassuraient pas quant aux chances de survie des autres... j’espérai que personne n’avait été mortellement touché, surtout pas ma sœur.
Il fallut nous relever et courir pour échapper à un autre bras sanglant qui tenta de nous écraser tous les deux. Claria surgit à temps de mon épée pour nous donner une protection, le temps que je parvienne à trancher cette chair rouge mutée qui s’agitait dans tous les sens. Je ne pus retenir un regard noir vers Ayna, sachant que cette horreur était due à ce qu’elle avait appris de son maudit père. Elle ne l’aimait peut-être pas, je pouvais très aisément le concevoir et sympathiser avec elle sur ce fait, mais par tous les dieux, qu’elle arrête absolument de copier ses abominablement travaux si c’était le cas !
Un autre coup d’œil acheva de me renseigner sur la situation de mes camarades. La plupart s’en étaient plutôt bien tirés, même si je voyais des blessés. Sanglune, elle, était plaquée contre le mur par le bras précédent, hurlant de douleur alors qu’elle était compressée par une force impie phénoménale contre la pierre. Quand je remarquai Zendaren se relever à quelques pas, je compris que la worgen, fidèle à son maître, s’était sacrifiée pour recevoir l’attaque à sa place.
La fumée finit par s’évanouir complètement, révélant le monstre qu’était devenu le faux Chevalier de la mort. Une abomination de chair avec son visage d’elfe de sang complètement déformé, le reste du corps faisait le triple de sa taille d’origine et me fit repenser à ces énormes créatures berserker avec la masse dangereuse de muscles. Plus d’épées dans ses mains, celles-ci allaient visiblement devenir ses armes en plus de sa magie dégoutante. Les bras sanglants qui étaient allés nous attaqués se dressaient comme des serpents dans son dos déchiré, celui que j’avais découpé se régénéra à une vitesse effrayante.
- Vous pensiez me tuer avec de la fumée ?! ricanait Ymeron. Il va vous falloir bien mieux que cela, parce que vous avez devant vous un immortel !
- À quel prix ! criai-je, de plus en plus agacé par tant d’arrogance. Une carcasse qui est vouée à être détruite d’elle-même, juste pour une fausse impression de pouvoir ! Tu as perdu, dès que tu as posé le pied dans ce manoir tu t’es condamné ! Non, même avant... En faisant confiance à Ayna, tu n’as fait que retarder ta mort, et la rendre encore plus douloureuse et misérable !
- Bah, la magie d’Ayna est peut-être faible comme cette dégénérée de demi-elfe, la mienne suffira à me garder en vie ! répliqua-t-il. Mais aucun de vous ne survivra pour en être témoin, vermines !
Il allait être compliqué d’abattre ce monstre maintenant. L’avantage dans cette situation était que les cultistes restants avaient commencé à reculer, intimidés par l’apparence monstrueuse de l’elfe de sang qui leur servait de chef. J’espérais que ceux qui avaient préparé la bombe avaient un second plan au cas où cela n’aurait pas marché du premier coup.
Derrière moi et Melrenna, Zendaren s’était relevé, fixant Ymeron avec plus de mépris que jamais. Le mort-vivant utilisa sa magie pour faire exploser le bras sanglant qui emprisonnait son associée, qui tomba sur ses quatre pattes tellement ce coup l’avait affaiblie. Marchant lentement pour faire face à l’elfe de sang sans le quitter des yeux, il s’adressa à lui avec un ton qui montrait qu’il n’allait plus faire de cadeaux à son ennemi. Exactement le même que celui qu’il avait eu avant de faire exploser ce bureau dans Fossoyeuse. Je retins à peine un sourire en me disant qu’Ymeron allait connaître une mort particulièrement douloureuse.
- Le pouvoir, l’immortalité..., dit Zendaren. Des gens si désespérés de les acquérir qu’ils n’hésitent pas à mutiler leurs corps et âmes pour obtenir ce qu’ils ne méritent pas. Des gens méprisables, encore plus quand ils poussent des pauvres hères égarés à suivre leur chemin de folie qui n’a qu’une seule fin. La défaite, et la mort. Voilà ce qui t’attendait lorsque tu t’es adonné volontairement à cette abomination qu’est la nécromancie. Maintenant tu vas être sage, et accepter ton jugement.
- Tu ne pourras pas m’arrêter, vieux fou décrépi ! ricana l’elfe déformé. Vous n’êtes tous que des rats dont les pouvoirs égalisent à peine les miens. Ma puissance vous réduira tous en cendres, et je m’assurerai à ce qu’il ne reste rien de vous !
- Très bien, continua imperturbablement Zendaren. Mesdames et messieurs, veuillez prendre note de ce qui suivra. Ceci, est le résultat de ce que vous obtenez quand vous choisissez le côté des démons. Maintenant, est-ce que cela en vaut la peine, notre sujet ici présent nous servira à déterminer une conclusion à cette question.