Azeroth Adventurers' Chronicles
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 Reg'jin - Se relever

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Lil
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Lil


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MessageSujet: Reg'jin - Se relever   Reg'jin - Se relever EmptyMer 24 Fév - 22:30

I-                   L’ombre et le sang
 


Quand Reg ouvrit les yeux, son regard se posa immédiatement sur la toile tressée au-dessus de son hamac. Le soleil passait aisément au travers, l’éblouissant un instant, avant qu’il ne se redresse lentement en se massant la nuque. Il contempla le village encore endormi, à part quelques trolls qui patrouillaient pour assurer une sécurité relative aux autres, et se leva.
Il aimait les premières heures du jour, quand la chaleur arrivait encore progressivement et le silence qui l’accompagnait. Passant une main rapide dans sa chevelure en bataille, il enfila simplement son pagne et un large collier muni de plusieurs larges dents acérées, avant de sortir.
A peine eut-il fait deux pas sur le sol sablonneux et poussiéreux qu’il reçut un coup assez brutal dans les côtes.
Il roula sur le côté et se redressa sur un genou, se maudissant pour n’avoir pas pensé à équiper son couteau de chasse, prêt à affronter la bête sauvage qui avait réussi à entrer ; mais quand il plissa les yeux et la discerna, il éclata de rire et se releva pour aller à sa rencontre. Un splendide raptor d’un rouge zébré d’émeraude, dressé sur ses pattes arrière, une grande langue baveuse pendant entre d’impressionnants crocs sautillait autour de lui en continuant de lui donner des coups avec sa tête ; Reg se prêta au jeu et la lui attrapa en riant, puis fila chercher un arc assez rudimentaire ainsi qu’un carquois légèrement ouvragé. Il attacha son couteau par une lanière à sa taille, et se tourna vers son raptor, qui pencha la tête sur le côté en l’observant.
-On va aller à la chasse, Keti, déclara le troll avec satisfaction.
La bête continua d’observer son maître tandis que celui-ci s’étirait, puis le suivit avec enthousiasme jusqu’au bout du village, où Reg salua un veilleur. Le Chasseur étira ses muscles une dernière fois et plaça une flèche sur sa corde avant d’avancer à pas prudents vers la jungle désertique toute proche.
Sur plusieurs centaines de mètres, il ne vit rien d’intéressant et se contenta d’être le plus discret possible, à l’aise dans cet environnement plutôt hostile ; ce fut lorsque son raptor, qui marchait devant lui, s’immobilisa tout à coup en respirant à coups précipités qu’il s’arrêta à son tour. Keti tourna la tête vers la droite, et son maître avisa un énorme sanglier qui fouaillait la terre de son groin.
-Regarde-moi ça, Keti, marmonna le troll, ses défenses elles sont presque aussi longues que les miennes !
Le raptor n’attendait qu’un ordre pour se jeter sur l’animal ; il passait sa langue sur ses crocs en surveillant attentivement sa cible.
Reg banda son arc avec soin. Il avait toujours eu un œil excellent pour viser, tout le monde s’accordait à le dire. La flèche partit avec une vitesse sidérante et se planta dans le cou épais de sa proie, qui poussa un cri en secouant la tête. Le Chasseur fit un geste du bras, et son raptor bondit ; en un instant il donna un coup de patte au sanglier, qui l’esquiva et donna un coup de ses défenses dans son poitrail. Le geste enfonça un peu plus la flèche dans sa peau, mais Keti fut légèrement touché ; rugissant, il pencha la tête. Ses mâchoires claquèrent, et le sanglier s’effondra, le cou à moitié déchiré. Reg courut et trancha proprement la tête, avant d’en dépecer le plus vite possible quatre énormes morceaux ruisselants de sang, qu’il chargea avec satisfaction sur son raptor.
-J’en connais qui vont être contents qu’on se soit levés tôt, mon pote, sourit-il en tapotant ses défenses. Allez, tiens.
Il lui lança les restes, que son familier avala en quelques bouchées sonores, et soigna rapidement la blessure que celui-ci avait reçue ; puis ils rentrèrent au village en courant à moitié.
Quand Reg et Keti arrivèrent au village, ils retrouvèrent une ambiance bien plus animée que celle qu’ils avaient laissée derrière eux, même si une certaine nervosité régnait étrangement. Les rires, les cris fusaient, un sorcier-docteur fustigeait un apprenti maladroit et une mère montrait à son dernier enfant les raptors dans l’enclos qu’on nourrissait. Ce fut dans cette direction que le troll s’achemina.
Une trollesse à la longue chevelure tressée couleur rouge doré préparait un harnachement pour un superbe raptor orangé. Quand elle vit Reg arriver avec son raptor, elle déposa précipitamment ce qu’elle tenait.
-Reg, par tous les mojos, fais sortir Keti de là avant que mes raptors ils le bouffent avec ce qu’il a sur le dos !
-Ah oui, désolé, rigola le troll en poussant son familier loin des regards affamés de ses congénères.
-La chasse elle a été bonne ?
-Il y a de quoi nourrir deux fois le raptor que tu harnaches.
-Tu en penses quoi ? demanda la trollesse en regardant l’animal qui secouait lentement la tête.
-Il est superbe, ça va valoir pas mal.
-Il est à toi.
Reg regarda fixement la trollesse qui fixait une selle solide sur le dos du raptor.
-Tu rigoles, là, grommela-t-il.
-J’ai bien le droit d’offrir une monture digne de ce nom à mon fils ! s’exclama la dresseuse.
Elle se tourna vers lui, poings sur les hanches, ses yeux dorés braqués avec fermeté sur le chasseur. Reg s’inclina sans protester.
-Merci, j’espère que ton fils il va le mériter.
-Moi aussi, répondit la trollesse en souriant. Allez, envoie-moi la viande que tu as là.
Reg alla récupérer les lourds morceaux sanguinolents, qu’il déposa sur une planche ; sa mère en découpa de longues lanières, dont la moitié disparut dans la gueule de la nouvelle monture.
-Comment tu vas l’appeler ? demanda-t-elle en distribuant le reste aux autres.
-Je sais pas. Faudra déjà voir s’il s’entend avec Keti.
-T’inquiète donc pas pour ça.
-Au fait, toi tu saurais pas pourquoi tout le monde est énervé comme ça ? Le village, normalement, il est plus calme que ça à cette heure.
La dresseuse soupira.
-Encore ces humains qui viennent en se croyant chez eux, finit-elle par dire. Ton père lui-même il va aller les repousser demain, quand on aura rassemblé des combattants en nombre suffisant. Comme si on avait pas assez de problèmes avec les murlocs en ce moment.
Reg voyait bien que sa mère cachait son anxiété sous sa colère contre les humains de Kul’Tiras, et ne voulut pas en rajouter en se proposant pour aller aider les trolls le lendemain ; il savait qu’elle refuserait et s’énerverait. Il la laissa après l’avoir encore remerciée pour le raptor, qu’il baptisa finalement Sulvin.
-Eh, Reg !
Le troll se retourna alors qu’il atteignait bientôt sa cabane.
-Salut, mec.
-Comment va ? Paraît que notre chasseur il a encore ramené de quoi nourrir tous les raptors du village ?
Reg sourit malgré lui à son camarade, un troll un peu plus jeune que lui qui maniait avec fierté une hache ouvragée.
-Les autres, ils exagèrent, j’ai juste tué un sanglier un peu plus gros que d’habitude.
-Nemba et moi, on pensait aller au village voisin aux heures moins chaudes. Ya une Préparatrice qui rendrait jaloux notre Sorcier-Docteur et on voudrait voir ça. Tu en serais ?
-Bien sûr, je vais juste manger avec mon père et après on se rejoint… disons à côté du terrain d’entraînement.
-C’est bon pour moi.
Les deux amis se saluèrent rapidement, puis Reg monta quelques marches avant d’arriver chez lui. Son père, assis sur un tapis tressé, disposait de la viande mi-cuite sur des herbes séchées et l’arrosait d’une sauce épicée. Il paraissait tellement préoccupé que le jeune chasseur entama en silence le repas après avoir murmuré quelques mots respectueux à l’adresse des Loas.
-Les Loas, si ils sont pas avec nous demain, on est mal, grogna enfin son père en l’interrompant. Ces humains, avec leurs armures en métal et leurs méthodes sans honneur, je peux plus rester là à les tolérer. On va leur montrer qu’on néglige pas les Sombrelance, pas question de les laisser gagner encore du terrain ici.
Reg hocha la tête.
-Je vais aller au village d’à côté avec Nemba et Vel, dit-il finalement. Tu as besoin de rien de là-bas ?
-Non, ça ira. Mais soyez prudents et passez pas par le rivage.
-T’en fais pas pour ça, j’ai pas envie de me faire bouffer par une vulgaire bestiole.
-La bestiole en question elle a des crocs aussi, et elle s’en sert un peu trop à mon goût.
Le père et le fils échangèrent un sourire ; Reg débarrassa rapidement le plancher, pressé de retrouver ses amis, flanqué de son raptor.
Nemba était un troll un peu plus âgé que les deux autres. Elancé, chargé de bijoux tribaux, il était passionné par son apprentissage de Sorcier-Docteur et ne s’en cachait pas ; il salua Reg avec plaisir et les trois camarades se mirent vite en marche.
-On passe du côté de la jungle ? s’enquit Vel.
-Vaut mieux, répondit le chasseur. J’ai pris mes armes, mais j’aimerais tout aussi bien ne pas avoir à m’en servir. Alors, c’est quoi cette histoire de Préparatrice ?
-Une trollesse qui se débrouille bien avec tout ce qui est poisons, lança Vel.
-Non, elle fait pas que ça, protesta Nemba. Elle…
-Elle a une jolie fille, c’est ça ? relança le troll en faisant tournoyer sa hache.
Nemba, coupé dans son élan, grogna et détourna la tête ; ses deux camarades éclatèrent de rire.
-J’y suis allé une fois, explique Vel à son ami, avec Nemba, et il y a avait la Préparatrice qui montrait des flacons sympas à un troll. Mais la petite qui était assise derrière, c’est vrai qu’elle était mignonne aussi.
-A croquer ?
Même Nemba se fendit d’un léger sourire en entendant le commentaire. Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais ne put qu’écarquiller les yeux et pousser un cri soudain.
Les deux autres trolls s’arrêtèrent immédiatement et dégainèrent chacun leur arme.
-Nemba ? demanda Reg en surveillant les environs.
L’apprenti grogna et dégagea quelque chose de son dos : un couteau acéré, qui fit gicler le sang. Il contracta les muscles et la plaie commença lentement à se résorber, mais la douleur ne disparaîtrait pas aussi facilement.
-C’est pas une arme de murloc, ça, murmura Vel en tournant lentement sur lui-même.
Enfin, ils les virent ; deux humains, postés à plusieurs dizaines de mètres, qui ne semblaient pas prendre au sérieux des adversaires visiblement jeunes. Le premier homme, habillé de lourds tissus enchantés et sombres en dépit de la chaleur, faisait rebondir dans sa paume un second couteau identique à celui que venait de se prendre Nemba. Le second portait une armure semi-lourde et une épée ; son heaume laissait voir deux yeux féroces et d’épais cheveux blonds. Reg sentit tout son corps se crisper ; en écho à la fureur rentrée de son maître, Keti poussa un rugissement.
Nemba joignit ses mains devant lui et brandit un anneau qui lança sur les deux hommes une malédiction sensible. Si le premier homme l’esquiva, le second fut vite nimbé d’une lueur malsaine, et commença à tousser. Profitant de la distraction, Vel fonça, sa hache levée.
Le premier humain ne leva même pas les yeux. Il incanta, et de sous ses habits noirs sortirent deux mains entourées d’un halo étrange. Vel n’eut pas le temps de frapper. Il fut expulsé et rejeté à des mètres de là, la poitrine marquée d’une brûlure. Le deuxième couteau de l’homme jaillit et se planta dans la blessure. Le troll émit un râle étouffé, mais il était trop tard.
Reg s’empêcha de regarder son ami mourir. S’il le faisait, il serait lui-même en danger de mort, et s’interdit toute distraction visuelle pour mieux bander son arc et tirer. Sa première flèche, trop nerveuse, rata sa cible ; mais la seconde fila se planter dans le cou de l’homme en armure, pile entre le heaume et la cuirasse. Cela donna à Nemba une seconde de répit ; le troll eut néanmoins du mal à contrer une attaque magique du dernier humain debout. Voyant cela, le chasseur ordonna à son raptor de filer, tandis que lui-même attrapait une flèche dans son carquois et bandait encore soigneusement son arc.
L’homme qui s’était effondré n’était pas mort. Il avait retiré son heaume et crachait du sang – de toute évidence, il n’en avait plus pour longtemps. Pourtant, il eut encore la force de brandir sa lame et de l’abattre dans un dernier coup, avant d’émettre un cri inarticulé. Nemba fut touché aux jambes et grimaça en sentant ses chevilles céder sous son poids ; il ne résista pas à une attaque de son adversaire, qui d’une rafale d’ombres l’acheva, étouffant l’apprenti sous une masse brumeuse provoquée par un sort inconnu. Sitôt le troll écarté d’un coup de pied, il se prit un grand coup dans le ventre et sentit l’air manquer.
Keti ne jouait plus comme le matin-même avec son maître, et ses mâchoires impressionnantes laissèrent échapper du fond de sa gorge un terrible cri. L’humain releva sa capuche, dévoilant un regard bleu-gris et des cheveux décolorés. Il incanta encore, mais fut arrêté par une flèche qui se planta à quelques centimètres de sa tête dans un arbre. Furieux, il rassembla une grande quantité d’énergie, et fit pleuvoir plusieurs sorts sur l’animal, qui gémit en sentant des ombres l’étouffer. Le raptor vacilla.
-KETI ! hurla Reg en sentant son familier agoniser. KETI, NON !
Le raptor entendit l’appel de son maître ; mais les ombres l’étouffaient de plus en plus… Il tenta d’aspirer un peu de l’air de la jungle qu’il aimait tant, n’y parvint pas. Il se dressa encore une fois sur ses pattes arrière, comme pour s’affaler. L’humain ne prit pas garde à sa posture. Le raptor bondit, ses crocs déchirant la cuisse droite de l’homme qui s’effondra en même temps que lui.
-Keti…
Reg sentit la fureur et le chagrin monter en flots bouillonnants dans sa gorge, l’empêchant de pleurer, de crier, de bander encore son arc, et même de respirer. Son raptor convulsa, puis s’immobilisa.
-Keti, parvint-il à dire encore d’une voix rauque.
Un rire jaillit soudain, un rire que Reg ne connaissait pas. C’était le rire de l’humain, blessé mais vivant, qui se redressait lentement. Il recommença à amasser des ombres autour de ses paumes, et les lança sur Reg, qui n’arrivait plus à détacher son regard de son compagnon perdu.
Confusion. Doute. Trouble. Le monde était soudain pour lui devenu une zone étrange, où tout était brouillé et assourdi. Des murmures et des cris. Touché par le maléfice d’ombre, le troll vacilla à son tour. Le rire de l’homme retentit encore.
Il a tué Keti.
Le rire résonnait beaucoup trop.
Il a tué Keti.
C’était insupportable…
Il a tué Keti.
Il fallait que ça s’arrête…
Reg tourna lentement la tête. Un éclat attira son regard ; il s’y dirigea sans chercher à comprendre, étourdi. Ses sens lui revenaient peu à peu, aussi l’humain tentait-il de formuler un dernier sort, pour le foudroyer, comme son raptor. Le troll tomba à genoux près du cadavre de Vel, qui tenait encore sa hache. Il regarda ensuite l’homme, qui avait pris appui contre un arbre pour ne pas tomber et accentuer ses blessures. Ses yeux amarante le fixèrent. L’univers restait trouble, mais la gorge du meurtrier était encore bien visible.
Reg arracha la hache à l’étreinte du mort, la soupesa, prit un élan bref et la lança de toutes ses forces. Elle tournoya dans les airs, sifflante, trop rapidement pour que son tranchant soit encore visible, et alla faucher net la tête de l’humain pour se planter jusqu’au manche dans le tronc derrière. Une gerbe de sang écarlate jaillit.
 
Le chasseur se releva, s’avança à pas lourds vers le cadavre du raptor. Il regarda fixement sa peau rouge et verte, décolorée par le sort, puis tourna la tête. Vel et Nemba étaient tout aussi immobiles. Les mille sons de la jungle avaient repris leurs droits après un silence assourdissant, mais Reg ne les entendait plus.  A pas lents, très lents, il marcha vers Nemba et le souleva. Il entendait beaucoup trop son propre souffle, qui résonnait d’une manière très désagréable.
Le cadavre de Nemba était lourd. Il en ôta le fétiche, qui tomba au sol, et s’abaissa pour tirer à lui le corps de Vel.
Le double poids était trop important pour lui, qui avait des muscles assez fins bien que solides ; être chasseur n’imposait pas de pouvoir porter deux fois son poids. Il tituba un peu, mais avança encore, déposa les corps le temps de dénouer la ficelle qui retenait son couteau à sa hanche. Il attacha une patte de Keti à sa propre cheville, reprit les corps dans ses bras, et avança, tirant le raptor en marchant.
Chaque pas était un calvaire. Keti était un jeune raptor, et son poids n’était pas insupportable, mais combiné à la charge des deux amis morts de son maître, c’était bien assez pour faire vivre un enfer à Reg. Le jeune troll souffrait, tout son corps ruisselant de sang qui séchait et de sueur. Peut-être était-ce à cause du sort de l’humain, mais tout continuait d’être un peu flou, soit trop précis soit trop trouble. Il avançait très doucement en direction du village, la tête basse, des larmes coulant sur son visage sans qu’il le sente. Une colère sourde se frayait un chemin dans son cœur ; la douleur physique en était presque assourdie, elle aussi.
 
Enfin, quelque chose. Un cri. On criait son nom. Des bruits de pas. Il ne parvint pas à relever sa tête, trop lourde elle aussi. Il savait juste qu’il devait avancer…
-Qu’est-ce qu’il y a ?
-Reg ? Reg ! Par tous les Loas, mais qu’est-ce qui…
-Allez chercher le père de Vel et le Sorcier-Docteur !
Les voix s’entremêlaient, se chevauchaient. Reg sentit qu’on voulait tirer de ses bras les cadavres de ses amis, et tenta de résister – il ne devait pas les lâcher, sans savoir pourquoi – mais ne réussit pas. Un éclair de douleur traversa ses muscles quand ils cessèrent d’être autant sollicités. Quelqu’un coupa la corde à sa cheville.
-Reg, dit soudain une voix grave près de lui, dis-nous qui a fait ça.
Il ne savait pas qui lui parlait, mais tout ce qu’il gardait au fond de sa gorge finit par sortir dans un murmure rauque et amer.
-Les humains ils étaient deux… Je sais plus qui a tué Keti… Vel et… Nemba a tenté de…
-Ils sont morts ou on peut aller leur faire payer ?
Reg dut respirer encore plusieurs fois avant de parvenir à répondre de nouveau.
-C’est bon. Ils sont morts, les deux.
Puis les ombres autour décidèrent de faire pivoter le monde, et sa joue rencontra brutalement le sol. Toutes les lumières s’éteignirent une à une, et un silence noir absorba tous les sons.
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MessageSujet: Re: Reg'jin - Se relever   Reg'jin - Se relever EmptyMer 24 Fév - 22:30

   II-                   L’autre voie


 
Les paupières lourdes de Reg se soulevèrent lentement, la frange des cils dévoilant un regard éteint. Aucun rayon de soleil ne vint redonner à ses pupilles rouges l’éclat miroitant qu’elles avaient d’habitude ; il faisait nuit, et un vent froid balayait le village, remplaçant la chaleur écrasante du jour.
Le troll resta là sans bouger, sans rien regarder de précis. Son souffle soulevait à peine son torse ; il entendait des sons faibles, des chuchotis, des voix basses, sans savoir si tout cela était réel ou une conséquence du maléfice. Quand les voix se précisèrent et qu’il comprit des bribes de ce qu’elles disaient, il referma les yeux pour tenter de ne plus les entendre. Peine perdue.
-C’est pas normal que le sort de l’humain il dure aussi longtemps. Qu’a dit le Sorcier-Docteur ?
-Le petit, il a fait un effort trop intense en revenant, son corps il a pas pu se débarrasser du maléfice comme il aurait dû. Et vu ce qui lui est arrivé, le maléfice il a encore plus de puissance, parce qu’il se base sur le doute et la douleur.
-Si j’avais eu l’humain entre les mains, je l’aurais torturé avec joie.
-T’es pas le seul, mec. Mais écoute, au moins ton fils il est vivant. On va aller venger Vel et Nemba tout à l’heure et les humains ils vont le sentir passer.
-Vous avez entendu parler de ce qui s’est passé hier soir au fait ?
-Le bateau qui s’est échoué ?
-Oui. Paraît qu’il était rempli de… d’orcs.
-Faut faire confiance à Sen’Jin, si il a décidé de parler avec eux, c’est que c’est la meilleure chose à faire.
-Moi j’y crois pas trop. Les Sombrelances, ils ont assez souffert comme ça, avec tout ce qui nous tombe dessus en ce moment.
-Justement, paraît que les orcs ils portent pas trop les humains dans leur cœur non plus.
Le silence qui suivit était lourd. Reg avait oublié que les combattants de son village, ainsi que certains venus d’ailleurs, comptaient partir repousser les humains de leur jungle ; il se souvint de la brève discussion qu’il avait eue avec son père, qui paraissait remonter à des années. Il ne se sentit même pas de curiosité pour ces naufragés « orcs » dont parlaient les trolls. Il voyait Keti mourir encore et encore devant lui et sa tête lui faisait mal.
-Reg.
La voix basse et calme, toute proche, ne lui tira aucune réaction. Mais elle était bien perceptible ; c’était presque un soulagement, dans ce monde qui n’arrêtait pas de vaciller et de se troubler, comme une rivière dans laquelle on jetterait sans cesse des pierres.
-Reg, tu m’entends ?
-Oui.
La voix du jeune troll était monocorde, cassée.
-Vel et Nemba ils ont eu des funérailles rapides hier soir, mais leurs familles, elles voulaient te remercier d’avoir ramené les corps. Ton raptor, on l’a brûlé en l’honneur des Loas, près de l’enclos de ta mère.
Reg émit un grondement sourd. Il ne voulait pas en entendre plus, les mots lui infligeaient des coupures trop nettes en-dedans.
-On te propose pas de venir avec nous parce que déjà ta mère elle nous sauterait à la gorge, et ensuite t’es pas en état. Le Sorcier-Docteur il pense que le maléfice il va se calmer tout seul, mais que c’était puissant : ça risque de revenir si un jour tu subis encore quelque chose de trop douloureux.
Reg sentit un tissu trempé dans de l’eau froide se poser sur son front, et émit un soupir de soulagement. Le tissu sentait les plantes de la jungle.
-Faut que tu te reposes. Ton père et nous on va aller tout à l’heure voir Sen’Jin et lui dire qu’on est prêts à passer à l’attaque. Dors.
Reg ne répondit pas. Il se laissa bercer par un chant étrange, puis une fumée piquante l’enfonça dans des limbes d’où il ne voulait plus sortir.
 
Au réveil, tout son corps était brûlant et lourd. Il voulut se relever, appeler Keti, voir s’il allait bien. Mais s’il réussit à se redresser, aucun cri de raptor joyeux ne lui répondit. Il fronça les sourcils, se leva en vacillant un peu. Puis son regard tomba sur son arc, qui était couvert de sang séché.
Ses mains se mirent à trembler, et il sentit ses yeux se remplir d’eau. Des images explosèrent sous son crâne ; le rire de l’humain résonnait, pendant que son raptor hurlait, entouré d’ombres qui l’asphyxiaient, entre deux trolls morts.
Furieux, assourdi, Reg empoigna son arc à deux mains et hurla. L’arme se brisa net. L’effort avait été douloureux, tous ses muscles encore blessés de ce qu’il leur avait infligé ; mais dépenser sa rage quelque part était un soulagement.
-Reg ? Reg, est-ce que ça va ?
Il tourna lentement la tête. Sa mère marchait vers lui ; il regarda ses cheveux, tellement semblables aux siens, puis ses yeux inquiets.
-Ça va.
Sa voix était toujours rauque, basse, comme s’il avait gagné dix ans en une nuit. Il chercha quelque chose à dire pour détourner l’attention de lui-même.
-On a des nouvelles de la bataille ?
-Pour l’instant il paraît que les humains ils se prennent une raclée, confessa la dresseuse avec un sourire.
-Sen’Jin, c’est un bon chef.
-Pas que ça, les orcs ils ont décidé de nous aider et à ce qu’on dit c’est pas les derniers pour défoncer nos ennemis.
-C’est une bonne chose.
Pas d’émotion. Un vague soulagement. Sa mère le laissa pour retourner voir ses raptors. Reg laissa son regard flotter sur les bêtes ; mais sitôt qu’il en fixait une, les couleurs et les sons se déchaînaient dans sa tête, explosant soudainement, le laissant presque aveugle et sourd. Quand il rouvrit les yeux, il se rendit compte qu’il était à genoux ; il se mit à vomir, puis resta à demi-allongé plusieurs minutes avant de cesser de trembler. Il se releva et courut à moitié jusqu’à la rivière toute proche, où il se laissa tomber. L’eau fraîche lui fit du bien et il s’assit sur une pierre pour laisser le soleil le sécher. De là où il était, il voyait sa hutte, la jungle proche, et un bout du terrain d’entraînement, où des trolls frappaient à répétition des cibles tiki. Lui-même n’était pas resté longtemps à ce stade ; son maître l’avait vite envoyé transpercer quelque chose de plus agressif.
La simple idée de toucher encore à un arc lui redonna la nausée. Il était incapable de faire la part entre ses ressentis et les conséquences du sort, mais la souffrance qui le tenaillait était intenable. Il chercha machinalement quelque chose à lancer, à briser, n’importe quoi…
Reg marcha jusqu’au terrain d’entraînement. Chaque pas, de nouveau, était douloureux. Des courbatures terribles cisaillaient les muscles de ses bras et de ses jambes, même ses abdominaux protestaient ; mais ces blessures-là n’étaient rien. Elles étaient mêmes les bienvenues. Elles étaient quelque chose de tangible, de réel, de concret et de simple.
Il fixa des yeux une cible tiki. Elle le narguait. Il n’était plus capable de la cribler de flèches. Elle riait, ses yeux bleu-gris foudroyant l’ancien chasseur, qui sans son raptor n’était plus rien qu’un troll imbécile et inutile. Reg eut la force de détourner les yeux ; il avisa une branche courte et épaisse, qu’il empoigna sans savoir qu’en faire. Il se souvint de Vel, si fier avec sa hache, et la cible tiki se mit à rire de plus en plus fort.
C’était insupportable…
Elle riait encore et toujours, un rire humain, un rire détestable.
Il fallait que ça s’arrête…
La branche percuta la cible avec force, la fendillant ; mais ce n’était pas suffisant. Il lui fallait quelque chose de plus lourd, de plus dur à manier, de tranchant. Reg avait soif de sa propre rage, il avait soif de violence.
Il laissa tomber à terre le bâton et avança au hasard, déambulant parmi les apprentis. Il finit par s’arrêter devant un maître qui donnait une hache légère à un troll adolescent.
-Je peux t’en prendre une ? demanda-t-il.
-Pour quoi faire ? marmonna le troll en regardant son interlocuteur vaciller.
-J’en ai besoin.
Le troll s’écarta, lui laissant voir plusieurs petites haches un peu abîmées. Sur le côté, une autre était posée ; lourde, un peu fendillée mais solide, elle laissait deviner que pour la manier correctement il fallait se lever tôt.
-Celle-là m’intéresse.
-Evidemment, puisque c’est la mienne.
Reg ne réagit pas ; il se contenta de se battre intérieurement contre des images invisibles. L’exercice physique lui manquait ; il n’avait rien de concret à quoi se raccrocher.
Le maître soupira.
-Ecoute, mon grand, je te propose un truc. Toi tu me prouves que tu es digne d’emprunter ma hache, et moi je te la passe.
-Comment ?
-Tu t’es vu, là ? Tu pourras même pas la soulever. Va courir, te renforcer, dormir. On verra ensuite.
Reg hocha sa tête, qui lui parut trop lourde. Il retourna à sa hutte, les yeux mi-clos ; sitôt se fut-il allongé sur sa natte qu’il tomba endormi.
 
Quand il se réveilla, il refusa d’ouvrir tout de suite les yeux. Il se sentait enfin mieux, même si les courbatures n’avaient pas disparu. Il confina le chagrin qui remontait déjà à la surface en dedans et se leva doucement.
Il était tôt ; le soleil se levait tout juste, et la température très douce promettait une belle journée. Pourtant, des trolls couraient déjà dans le village, tous dans la même direction. Intrigué, il se précipita lui aussi, déclenchant des tiraillements dans ses jambes.
Un troll, couvert de peintures de guerre, se dressait fièrement à l’entrée du village. Il était accompagné d’un orc, qui regardait avec un peu d’appréhension les Sombrelances venir vers eux.
-Du calme ! s’écria le troll. Moi et Kol’drek on a des bonnes nouvelles. Les humains, ça va être leur fête. Sen’Jin il a rencontré le chef des orcs, Thrall, et il s’est proposé pour nous aider à faire dégager nos ennemis.
Des cris de joie éclatèrent ; on entendit même un ancien chant de remerciement aux Loas quelque part. Des questions fusèrent.
-On est venus vite annoncer ça, mais les autres ils sont en train de se préparer et voilà le message : on a besoin de tous les guerriers et volontaires possibles.
Le messager ayant parlé dans son dialecte, l’orc le regarda avec un drôle d’air. Les villageois commencèrent à dialoguer avec eux, et Reg recula, sachant parfaitement qu’il n’était pas en état d’aller aider. Il évita soigneusement l’enclos aux raptors et alla simplement se vêtir d’un pagne propre ; après quoi il se mit à courir vers la rivière.
Ses pas trop rapides épuisèrent rapidement son souffle. Ses poumons brûlants, ses jambes tremblantes ne l’arrêtèrent pourtant pas ; il continua de courir, apprenant à réguler son allure pour pouvoir tenir un maximum de temps. Quand c’était trop dur, il bifurquait légèrement, et l’eau fraîche de la rivière venait baigner ses pieds et ses chevilles ; l’effort consumait toutes ses ressources, mais il était heureux de faire celui-ci. A chaque pas qu’il pensait être le dernier, il repensait malgré lui aux ombres, et un nouvel élan le poussait.
Il finit par voir droit devant lui la mer. Il voulut arriver jusqu’au rivage et faire demi-tour, mais ses jambes refusèrent de répondre. Epuisé, il tomba à genoux dans le sable et resta là jusqu’à récupérer son souffle. Le soleil tapait fort à présent, et les reflets brillants que la mer lui renvoyait lui blessaient les yeux. Il les baissa, puis prit soudain conscience de bruits qu’il percevait.
Des voix, trop nombreuses et lointaines pour être celles que le maléfice lui infligeait parfois. Il se souvint alors de ce qu’avait apporté comme nouvelles le messager, et put les vérifier en tournant légèrement la tête… Là-bas, bien plus loin sur la grève, de petites silhouettes s’agitaient un peu, au milieu de sortes de débris qu’il n’arrivait pas bien à distinguer. Sans doute les fameux orcs naufragés. Poussé par un regain de curiosité, Reg voulut se relever, mais son corps ne répondait plus. Il émit un grondement de rage et frappa le sable de son poing, mais dut attendre que ses jambes soient de nouveau en état de le porter.
Sitôt qu’il fut debout, il se mit en marche vers les silhouettes aperçues plus tôt. Il ne s’était pas trompé ; au bout de quelques minutes de marche, il distingua des trolls Sombrelances, et bientôt d’autres personnes plus semblables à l’orc venu au village. Leurs peaux, d’un vert brunâtre, étaient souvent tendues par des muscles solides et partiellement cachées par des armures solides. Reg n’avait jamais vu de métal travaillé de la sorte. Les orcs n’avaient pas de défenses comme les siennes, mais l’air de volonté et de courage qui animait leurs prunelles lui plut instantanément malgré toutes les différences qu’il pouvait dénoter. Ils étaient plus petits que lui, ce qui n’en empêcha pas certains de le dévisager avec franchise.
-Reg ! chuchota un troll en se rapprochant de lui. Que fais-tu là ?
-Je courais. Ça fait du bien.
Le troll, un manieur de haches, lui jeta un regard empreint de compassion et lui donna une tape amicale sur l’épaule.
-Je parlais avec leurs guerriers. Cette race, elle est étrange, mais… je crois qu’on peut s’entendre.
Il éclata de rire.
-Tu aurais vu la tête de celui-là quand il a vu notre Sorcier-Docteur !
Reg sourit et avisa les interlocuteurs de son camarade. Deux d’entre eux se présentèrent comme étant des « grunts » - des combattants, visiblement. Le troisième, porteur d’une armure différente, déclara être guerrier, un « maître ». Il portait une sorte de hache, mais elle ne ressemblait pas à celles que Reg connaissait. Il était certain qu’il serait incapable de la manier correctement. Le troll le salua respectueusement.
-C’est quoi, votre nom ? demanda-t-il naturellement.
-Kaldern, répondit l’orc en le fixant de ses yeux aussi rouges que les siens. Quel est le vôtre ?
-Reg. Votre hache, elle a l’air sympathique.

-Mes ennemis l’ont toujours trouvée à leur goût.
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Reg'jin - Se relever
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